Qui est le véritable favori des 24H du Mans ?
Il faudra sans doute attendre les premières heures de course ce samedi, voire la tombée de la nuit pour que les véritables favoris de cette édition très attendue des 24H du Mans sortent du bois et dévoilent réellement leur jeu.
Car même si le nouveau système de qualifications typé F1 avec Q1-Q2-Q3 a permis aux Hypercars de rouler seules, sans trafic jeudi soir, certains en ont visiblement gardé encore un peu sous la pédale.
La lecture de la grille de départ ne correspond donc pas nécessairement à la hiérarchie des forces en présence.
Ainsi, même si les Cadillac V-Series dorées « officielles » de chez Jota ont verrouillé la première ligne grâce à Alex Lynn et Earl Bamber avec des chronos plus de deux secondes plus rapides qu'en 2024, à l'analyse on ne pointe pas nécessairement les protos américains comme les grands favoris.
Certes, cela fait 58 ans, depuis la Ford GT 40 engagée par Shelby Motor Company, qu'on n'a plus vu un bolide construit aux USA emmener la meute au moment où Roger Federer abaissera le drapeau français samedi sur le coup de 16h. Mais, les statistiques le prouvent, c'est rarement le poleman qui s'impose au Mans.
« Ferrari et Toyota se sont moqués du monde »
« Ferrari et Toyota se sont moqués de nous, » a balancé le Manceau Sébastien Bourdais qui, on le sait, n'a pas sa langue en poche. «Ils en ont gardé sous la pédale. Nous avons fait nos meilleurs temps en prenant des risques dans les Esses Porsche. Mais en course, ce sont les voitures les plus rapides en lignes droites qui auront l'avantage. Et là, les Ferrari et les Toyota ont une longueur d'avance. Elles pourront dépasser et se défaire du trafic plus facilement que nous. »
Ces deux marques précisément ont remporté les sept dernières éditions, Toyota cinq fois entre 2018 et 2022 puis Ferrari à deux reprises en 2023 et 2024.
« Les 499P sont deux ou trois km/h plus vite que nous, » constate notre compatriote Laurens Vanthoor relégué en fond de grille Hypercar après que sa 963 Penske Motorsport ait été pesée sous le poids règlementaire mercredi soir. « Parti loin n'a pas beaucoup d'importance sur une épreuve de 24h. Sauf si vous n'avez pas assez de vitesse pour doubler en ligne droite, à l'aspiration. On a donc travaillé sur ce point, en diminuant un maximum l'appui aérodynamique pour augmenter la vitesse aux alentours des 340 km/h dans les Hunaudières. Cela nous complique un peu la tâche lors des freinages et en courbes où l'on a moins de stabilité. Mais ceux qui gagneront cette année ne seront certainement pas lents en lignes droites. »
On peut donc s'attendre à voir les trois Ferrari remonter dans les classements durant les premières heures. Ce sera pareil pour les GR010 qui se sont un peu loupées en qualifications avec une crevaison consécutive à une sortie à Mulsanne pour Sébastien Buemi et un mauvais tour pour Nyck De Vries mercredi soir. Mais on connaît l'efficacité au niveau de l'exécution de l'écurie japonaise et surtout la fiabilité de leur matériel.
Porsche vise un 20ème succès
Toyota n'apprécie pas trop qu'on dise qu'ils ont gagné quand il n'y avait pas de concurrence. La priorité cette saison pour les champions constructeurs est donc mise sur la victoire au Mans face à sept autres marques. Depuis dimanche, alors que certains s'essoufflaient à chasser une pole très médiatique, dans le clan Toyota, on s'est concentré sur la course, la consommation, l'usure des pneumatiques
Ferrari a tout gagné jusqu'ici en WEC cette année et est là pour défendre son titre dans la Sarthe. Les Italiens partent sans doute avec une grosse pancarte de favori dans le dos.
Mais attention à Porsche qui vise clairement aussi un nouveau record de 20 succès. Le team de Roger Penske qui n'a encore jamais inscrit cette épreuve à son palmarès aligne trois 963 LMDh. Mal embarquée au championnat du monde d'endurance alors qu'elle reste invaincue cette saison en IMSA, Porsche a aussi fait du Mans son principal objectif en 2025.
Cadillac, BMW et Alpine en outsiders
On a déjà parlé de quatre marques, mais ce n'est pas tout. Déjà montées sur le podium cette année en WEC, BMW et Alpine se positionnent clairement en outsiders.
Les M V8 Hybrid alignées par l'équipe belge WRT pour le compte de BMW Motorsport s'élanceront quatrième et sixième. Une petite déception sans doute dans le chef de Dries Vanthoor alignant les poles aux USA, mais qui n'a eu droit en Hyperpole 2 qu'à un seul train de pneus car son équipier Raffaele Marciello a dû en user deux pour se tirer de justesse de la H1.
« La pole c'est bien, mais je préfère être dans le journal le lundi du Mans que le vendredi matin avant la course, » sourit le patron du team Vincent Vosse.
« Je signerais des deux mains aujourd'hui pour un podium, » nous a confié pour sa part le patron de BMW Motorsport Andreas Roos pas trop confiant sur ses chances de victoire absolue. « Nous sommes rapides sur un tour, mais les LMH sont toujours favorisées sur les longs relais. »
On notera aussi que la fiabilité n'est pas encore optimale dans le clan bavarois avec une auto en panne dimanche dernier et ce jeudi soir.
Bonne surprise des deux dernières courses de 6h, Alpine avait failli avant la nuit l'an dernier. Les « Bleus » sont donc de retour l'esprit revanchard, prêts à éventuellement créer une bonne surprise et à faire vibrer les fans locaux majoritaires parmi les 250.000 spectateurs attendus.
Peugeot à la traîne, à Valkyrie la meilleure bande son
Car pour un « cocorico », on ne devrait logiquement pas pouvoir compter sur les « Lionnes ». Car dans un peloton très compact de 21 Hypercars, les Peugeot 9x8 de Stoffel Vandoorne et consorts sont à la traîne, à plus de deux secondes au tour. Pas énorme sur un tracé de treize kilomètres nous direz-vous, mais assez pour penser que l'objectif de Top 5 de Loïc Duval est déjà très optimiste. A moins que la crainte de voir le constructeur français se retirer du championnat à moyen terme n'incite le responsable de la Balance de Performances à encore leur donner un petit coup de pouce (où à les freiner moins c'est selon) d'ici à samedi 16h comme cela s'est déjà vu par le passé.
Enfin, même si elles n'ont aucune chance de succès, les Aston Martin Valkyrie et leur hurlant moteur V12 font partie des chouchoutes du public. Un peu comme les Mazda 787B à moteur rotatif au début des années 90. Car les fans d'endurance aiment se rincer les oreilles.
Du côté des trois pilotes belges engagés dans la catégorie de pointe donc, Stoffel Vandoorne n'aura à priori par les moyens techniques ni la vitesse pour lutter avec les frères Vanthoor. Dries et sa BMW devront éviter les fautes et pénalité et compter sur la fiabilité légendaire de la marque au niveau des voitures de série pour entrer dans l'histoire.
Mais c'est évidemment notre champion Laurens qui a le plus de chance de créer l'exploit en devenant le premier Belge à remporter les 24H du Mans depuis Bertrand Gachot en 1991 ou Jacky Ickx en 1982 c'est selon.
« Tout le monde sait que c'est mon rêve ultime, la seule grande ligne manquant encore à mon palmarès depuis ma victoire à Daytona en début d'année, » confie Laurens. « On a de bonnes cartes en mains. Avec mes équipiers Kevin et Matt, on va tout faire pour essayer de gagner. Mais la concurrence n'a jamais été aussi élevée. Cela va être une course de folie avec un rythme très élevé. Il ne faudra pas commettre la moindre erreur, sur la piste ou en stratégie pour espérer pouvoir l'emporter. »
Si, sans team ni pilote belge, la coupe des dix-sept Oreca LMP2 nous intéressera moins cette année (mais la bagarre y sera aussi très intense), on suivra l'évolution de nos trois compatriotes en LMGT3 où les neuf marques s'élançant dans le Top 10 ont réellement toutes une chances de gagner. Avec le système Pro-Am, le niveau des pilotes Bronze obligés de rouler un minimum de 6h sera déterminant.
Très ouvert en GT3 avec les 9 marques dans le Top 10
Dans ce contexte, la N°46 du team BMW WRT avec Ahmad Al Harty, Valentino Rossi et Kelvin Van der Linde, troisièmes sur la grille, semble posséder de belles cartes en mains même si là aussi certains comme Porsche ou Ferrari n'ont pas encore montré tous leurs atouts.
Du côté des Belges, Tom Van Rompuy (Corvette Z06), Maxime Martin (surprenant 4e au départ sur la Benz Iron Lynx) et Sarah Bovy débarquée en dernière minute début de semaine pour remplacer son amie Michelle Gatting blessée sur la Porsche des Iron Dames n'ont pas des ambitions démesurées cette année et disent tous viser un Top 10 en fonction de leur package global. On est donc bien loin des trophées. Mais on espère, pourquoi pas, une bonne surprise de ce côté-là comme déjà en Hyperpole avec les 4ème et 6ème rangs plutôt inattendus de Max et Tom.
« Honnêtement, sur 24h, tout peut arriver, » conclut notre « Pushpapy » « Il n'y a pas à mes yeux réellement une marque ou un équipage favori en GT3. »

