Kevin Magnussen : « Vincent Vosse m'a sauvé la vie »
Longtemps considéré comme le « bad boy » de la F1, un pilote extrêmement agressif, très dur à doubler et au langage fleuri (tout le monde se souvient de son célèbre « suce mes boules chéri » adressé à Nico Hulkenberg venu se plaindre de son comportement en piste), Kevin Magnussen est en fait un charmant garçon : « Nettement moins compliqué que certains autres, » nous avait-on confié au sein du team WRT dès sa première apparition en WEC au Qatar.
A la veille de la troisième manche du WEC à Francorchamps ce samedi, nous avons eu l'occasion de discuter avec le Danois de 32 ans lors de la présentation des nouvelles infrastructures liégeoises de son équipe belge.
Kevin, tu connais visiblement Vincent Vosse, le patron de WRT, depuis un certain temps déjà. Tu as d'ailleurs une belle anecdote à nous raconter...
« Exact. Cela va bientôt faire trente ans qu'on se connaît. En fait, Vincent était ami avec mon papa. Quand j'avais trois ans, nous avions été invité un été chez lui. Je jouais dans la piscine et j'ai glissé au milieu de ma bouée. Mes parents n'étaient pas là et j'étais occupé à me noyer. Vincent est arrivé. Il était en veston pour aller à une soirée et a sauté tout habillé dans l'eau. On peut vraiment dire qu'il m'a sauvé la vie. »
Et un peu moins de trente ans plus tard, il est aujourd'hui ton boss en quelque sorte même si tu as signé avec BMW M Motorsport.
« Oui. Il m'a mis en relation avec eux déjà en 2022. A l'époque, je roulais encore en F1. Et là, cela s'est concrétisé. Je suis très heureux de rouler en endurance aujourd'hui. La discipline vit son âge d'or avec de nombreux constructeurs impliqués et un niveau de compétitivité plus élevé que jamais. C'est un sport moins individualiste. En F1, c'est chacun pour soi. Ton équipier est ton premier rival. Tu ne veux jamais l'aider. Ici, c'est tout le contraire ! L'esprit d'équipe est très important et j'aime cela. »
Tu as fait une croix définitive sur la F1 ?
« Oui ! »
Tu n'es donc pas en discussion avec Cadillac par exemple et tu ne sauteras pas dans un avion pour remplacer un pilote Haas s'il se blesse le week-end du Mans ?
« Non. C'est terminé. Je suis pilote BMW, je suis engagé à 100% en endurance. Je suis mon propre manager. Je décide seul de ce que je veux faire et aujourd'hui j'ai tourné la page de la F1. »
N'est-il pas trop dur de sauter dans une Hypercar quand on descend d'une Formule 1 ?
« C'est un gros challenge, pas évident en effet. Le pilotage d'une F1 est très amical, prévisible je dirais. Les Hypercars sont plus lourdes, avec moins d'appui aéro. Ce sont des bolides clairement plus difficiles à piloter. »
Après les quatre premières courses, deux en Amérique et deux en WEC, te sens-tu désormais totalement en confiance dans ton nouveau bolide ? Estimes-tu l'exploiter à 100% ?
« Honnêtement, non pas encore. Je suis encore dans une phase d'apprentissage des différents réglages et systèmes. Il y a énormément d'automatismes à acquérir, de manipulations à faire derrière le volant. Je ne me sans pas encore totalement en confiance, même si cela va de mieux en mieux. »
Tu as pris le départ à Imola. C'est moins stressant qu'en F1 ?
« Oui, beaucoup moins car on sait qu'on part pour 6h. Il n'y a pas lieu à prendre de risques. Je m'élançais troisième et j'étais déjà content de conserver ma place. En GP, tu as très peu de chances et de possibilités de dépasser. Donc dès que tu en as une, tu dois la saisir. Le départ est toujours une occasion de gagner une ou deux places en jouant un peu des coudes. Et donc il faut y aller. »
Ce week-end, c'est la manche spadoise, un circuit que tu apprécies forcément. Après la deuxième place d'une BMW à Imola, penses-tu qu'il soit possible de viser la victoire ce samedi ?
« Absolument, même si ce n'est pas garanti. Je n'ai pas eu l'occasion de disputer les essais privés ici et à chaque fois que je débarque sur un circuit F1 je dois effectuer un reset complet, oublier tout ce que j'ai appris en GP car ces protos comme je l'ai déjà dit se pilotent fort différemment. »
Ce week-end, tu auras l'occasion de rouler plus en essais vu que vous n'êtes qu'à deux en l'absence de Dries Vanthoor...
« Vrai. Je roulerai forcément plus en course aussi. Mais cela ne pose pas de problème car ce sont tout de même des autos moins physiques à piloter que les F1. »
Après Spa, ce sera le grand rendez-vous du Mans, une course que tu as déjà eu l'occasion de découvrir il y a quatre temps avec ton papa ?
« Oui, j'ai hâte. Le Mans c'est vraiment spécial, surtout pour un Danois. Grâce aux neuf succès de Tom Kristensen, c'est un événement très suivi dans notre pays. Il y a aussi beaucoup de fans sur place. L'ambiance est géniale. J'avais roulé avec mon père sur une LMP2 de chez High Class en 2021. Cela s'était globalement mal passé sportivement, mais j'en garde néanmoins un bon souvenir. »
Une victoire au Mans vaut-elle un succès en GP ?
« Honnêtement non, je ne pense pas. La F1 reste au-dessus de tout. Mais comme je n'ai jamais gagné en F1, mon meilleur résultat reste une 2e place lors de mon premier GP en Australie avec McLaren, remporter le Mans pourrait devenir le plus grand accomplissement de ma carrière. »
Tu vas aussi disputer une autre grande course de 24h, en Belgique cette fois. Que sais-tu des 24H de Spa ?
« Je connais bien sûr. Même quand je roulais en F1, je suivais mon père qui a pas mal roulé en GT et les autres courses. Mon papa a d'ailleurs déjà roulé pour WRT à l'époque Audi. Je sais que Spa est la plus grande course de GT3 au monde et je suis très heureux de pouvoir y participer pour la première fois dans de très bonnes conditions, avec un team que je connais déjà et une légende comme Valentino Rossi dont j'ai fait la connaissance au Qatar cette année. C'est un véritable héros, une icône des sports mécaniques. »
"Les nouvelles infrastructures de WRT sont plus belles que celles de Haas F1. Hormis McLaren, je n'ai jamais rien vu d'aussi bien."
Quelle expérience as-tu du GT3 ?
« Elle est très limitée. J'ai disputé les 12H d'Abu Dhabi 2022 avec mon père sur une Ferrari. Je n'ai encore jamais eu l'occasion de piloter la M4 GT3. Je vais la découvrir mardi lors du prologue des 24H. Je suis aujourd'hui à un stade de ma carrière où j'ai envie de me faire plaisir. Et dans cette optique, ce sera cool de pouvoir vivre cette semaine spadoise et participer à cette fête du sport auto. »
Tu as découvert les nouvelles infrastructures de WRT ce mardi à Liège. Est-ce comparable à l'usine Haas GP ?
« Non, c'est plus beau ! Honnêtement, hormis McLaren qui a un très beau et grand centre à Woking, ce que j'ai vu ici est mieux que pas mal de teams de F1. »
A propos de F1 justement, j'ai parié avant la saison sur le premier titre mondial d'Oscar Piastri cette année. Qu'en penses-tu ?
« Que tu as fait un bon investissement ! Je crois aussi qu'il sera champion du monde cette année. Tu ne gagnes pas trois GP d'affilée par hasard. Il est plus calme et commet moins d'erreurs que Norris. Il est plus fort mentalement. Et la McLaren est actuellement la meilleure monoplace. »
Photo WRT

