Charles Weerts, champion GT Sprint pour la quatrième fois : « Après le choc de samedi, je pensais que tout était terminé !»
A 24 ans à peine, l'Aubelois Charles Weerts a été sacré pour la quatrième fois vainqueur du GT World Sprint le week-end dernier à l'issue de finales espagnoles pour le moins mouvementées.
Après trois premiers titres décrochés au sein de l'écurie familiale avec Audi et Dries Vanthoor, le Liégeois a cette fois imposé la BMW M4 WRT qu'il partageait avec le sud-africain Kelvin Van der Linde, tout simplement magistral ce dimanche.
Charles, vous êtes vraiment passé par tous les sentiments à l'occasion de ce week-end décisif pour le championnat qui a très mal débuté pour vous avec une 24ème place en qualifs samedi matin. Que s'est-il passé ?
« On peut effectivement dire que cela a été un véritable ascenseur émotionnel avec une belle finale et du suspense jusqu'au bout pour les spectateurs dimanche. Effectivement, cela avait très mal démarré pour moi suite au concours de divers facteurs. D'abord, il faut savoir que la Q1 est celle où ce sont les pros des équipages Bronze qui roulent ce qui rajoute d'office quelques pilotes de pointe. Ensuite, la séance était divisée en deux car il y a trop de voitures. J'étais dans la première et la piste était un ou deux dixièmes plus rapide lors de la seconde partie. Il y avait deux ou trois petits trucs qui n'étaient pas au top sur ma monture. Et puis je n'ai sans doute pas signé mon meilleur tour. J'ai dû laisser aussi un ou deux dixièmes à droite ou à gauche. Tout cela combiné fait que je pointais à sept dixièmes. On n'avait clairement pas la vitesse pour signer la pole face aux Ferrari, mais je m'attendais pas du tout à me retrouver si loin. »
Et quand on démarre au milieu du peloton, on est fort logiquement plus exposé aux accidents...
« Oui je sais cela depuis le karting. J'ai pris un bon envol en gagnant d'emblée quelques places, mais au moment de tourner à gauche à la première épingle, une Audi en perdition dans l'herbe est venue me percuter à l'arrière dans un angle inhabituel. Je n'ai rien vu venir et le choc a été violent. Je n'y étais pas préparé et mon corps a encaissé. Là aujourd'hui, je suis bien bloqué de partout. J'ai mal partout : à la nuque, au dos, à la clavicule. Quand je suis sorti de l'auto, j'étais dégoûté. Pour moi, c'était terminé, le championnat était foutu. C'était mon premier abandon depuis Valence 2022. J'étais tellement triste que cela se termine comme cela, sans pouvoir me battre. »
Mais vous avez néanmoins réussi à ramener votre voiture au box...
« Oui, avec l'énergie du désespoir. Durant quelques minutes, j'ai espéré pouvoir repartir pour inscrire quelques points, mais j'ai vite compris que cela ne serait pas le cas. Les dommages étaient trop importants. Les mécaniciens ont travaillé durant une grosse vingtaine de minutes avant que je puisse reprendre la piste pour qu'ils marquent quelques points au pitstop challenge et que l'on vérifie que tout était en ordre pour le lendemain. »
Avez-vous un moment craint devoir déclarer forfait le dimanche pour raisons médicales ?
«Non, je n'y ai pas pensé une seconde. J'ai eu mal au dos, mais j'ai mordu sur ma chique pour les mécanos, pour Kelvin et toute l'équipe WRT. Je ne pouvais pas abandonner. J'ai pris des anti-douleurs et j'ai fait mon relais. Avec l'adrénaline, je n'y ai vite plus pensé. On a encore eu de la chance dans notre malchance car nos deux principaux rivaux au championnat sont aussi rentrés bredouilles de cette première manche. De sorte que l'on était toujours en tête dimanche matin à égalité avec la Mercedes de Auer-Engel. Nous étions à quatre en trois points et demi et en gros la couronne reviendrait à celui qui s'imposerait aux autres. »
Quatrième aux essais, Kelvin a fait le taf en vous ramenant la voiture en tête.
« Kelvin a fait un dimanche d'anthologie. Mon équipier a signé une performance Master Class. Ce titre, on le lui doit beaucoup. Il a réussi à dépasser Jordan Pepper juste avant le « pitstop » ce qui s'est avéré déterminant. Car l'équipe Grasser est une des plus rapides après WRT dans les changements de roues et il aurait été compliqué de les doubler dans la pitlane sans risquer une pénalité pour sortie dangereuse des boxes. »
Sur la fin de course, la Lamborghini de Lucas Engstler vous a mis pas mal de pression...
« Exact. J'avais réussi à maintenir un écart de l'ordre de deux secondes durant tout le début de mon relais sans trop pousser pour ne pas prendre le risque de casser mes pneus ou de sortir des limites de la piste. Puis je me suis retrouvé derrière la Mercedes de Dienst qui ne se bougeait pas. La règle dit que les drapeaux bleus sont agités quand vous êtes à moins de sept dixièmes d'un attardé devant vous. Mais le souci est que vous commencez à sentir les effets de l'air sale et à perdre du grip quand vous êtes déjà une seconde derrière. J'ai donc perdu du temps derrière lui et quand il a tiré tout droit, Engstler a pu passer sans problème et me mettre un max de pression. Mais j'ai tenu bon. Quelle joie, quelle délivrance en franchissant la ligne avec huit dixièmes d'avance. Franchement, on est revenu de loin pour retourner la situation en notre faveur. »
C'est votre quatrième titre en GTWC Sprint, le plus beau ?
« Le plus spécial était sans doute le premier, à 20 ans à l'issue de ma première saison complète avec l'Audi et Dries. Mais bon, c'était en période Covid, il n'y avait pas de public et la fête n'avait pas été géniale. Ici, c'est notre premier titre avec BMW. Je le placerais donc en second. »
Vous serez rétabli pour Barcelone dans trois semaines ?
« Oui, j'espère bien. Là maintenant je pars une semaine en vacances avec ma copine. Le soleil et les mojitos vont me faire du bien. D'ici là, j'espère que je serai repris pour piloter une des deux M4 engagées dans la finale de l'IGTC à Indianapolis. »
En Espagne, deux titres seront à nouveau en jeu, celui en Endurance et surtout le titre absolu en GT World Challenge face à la Mercedes des champions en titre Lucas Auer et Maro Engel cinq points devant vous au classement combiné Endurance et Sprint.
« Exact. Pour l'Endurance, nous sommes retombés troisième suite à nos soucis au Nürburgring et nos chances ne sont plus que mathématiques. Mais on ne sait jamais. Regardez la Lambo le week-end dernier. Ils étaient les candidats les plus loin au championnat et au final ils sont passés à une seconde du titre. Donc tout reste possible du moment qu'on nous donne les armes pour nous battre. L'an dernier, la Mercedes jaune a battu Dries Vanthoor de huit ou neuf dixièmes en qualifications. Le tracé catalan a peu de grip et la Benz y est fort à l'aise ce qui n'est pas le cas de notre BMW. Mais comme le dit Kelvin Van der Linde, il ne devrait pas y avoir des circuits convenant mieux à une marque ou l'autre avec le système de BOP. Donc pour reprendre une expression de mon père, on n'est pas à l'abri d'une bonne surprise. Avec Ugo et Kelvin on va comme d'habitude faire tout ce que l'on peut pour finir la saison en beauté. Reprendre cinq unités au moins à la Mercedes ne s'annonce pas évident sur le papier, mais sur une course de 3h tout peut arriver. Je ne me berce toutefois pas d'illusions. Pour l'Endurance en tout cas, on n'a plus notre sort entre les mains. On va donc se concentrer sur notre propre performance afin de finir en beauté. Et l'on verra bien où cela nous met. »
BMW doit encore nominer deux pilotes pour les « rookies tests » du WEC à Bahreïn en Hypercar. Aurez-vous la chance d'en faire partie cette année ?
« J'en ai très envie et il y a une bonne chance pour que ce soit le cas, mais je ne préfère rien confirmer tant que cela n'est pas sûr. »
Après six saisons en GTWC, vous verra-t-on en WEC en GT3 en 2026 ?
« J'aimerais bien pouvoir découvrir de nouveaux horizons et tester d'autres championnats. Le WEC n'est pas une compétition très excitante pour les pilotes pros qui roulent très peu et ne disposent pas de pneus neufs en essais. Mais les 24H du Mans font partie de ce championnat et je rêve comme tout pilote d'y participer. 90% des pros qui acceptent de rouler en WEC le font dans la perspective du double tour d'horloge. Maintenant, il n'y a de baquets que pour un pro par voiture. Ce sont les amateurs qui financent en grande partie les autos et décident avec qui ils veulent rouler. »
L'IMSA n'est pas une option non plus ?
« Non car WRT n'y alignera pas de GT3 et surtout car il y a six clashes je crois avec le GTWC dont un avec les 24H de Spa ce qui va poser des problèmes à plusieurs constructeurs. Et pas question bien sûr de rater ma course préférée... »
Photo WRT


