24H du Mans : Bertrand Gachot le dernier vainqueur « belge de coeur »
Si un des frères Vanthoor remporte dimanche après-midi les 24H du Mans va-t-on écrire qu'il est le premier Belge à s'imposer dans la classique mancelle depuis le sixième succès de Jacky Ickx en 1982 ? Ou depuis Bertrand Gachot en 1991?
Nous étions présents il y a 34 ans pour assister à la victoire surprise de la Mazda 787B de Johnny Herbert, Volker Weidler et celui qui se définissait lui-même comme un Européen même si c'est le drapeau français qui figurait à côté de son nom.
«J'ai toujours minimisé l'importance de la nationalité dans ma carrière et dans le sport en général, » nous confie aujourd'hui l'ancien vainqueur des 24H du Mans né au Luxembourg d'une maman allemande et d'un père français. « Mais j'ai grandi en Belgique. J'ai été à l'école européenne à Uccle, tous mes amis étaient belges et je me sentais Belge de coeur. J'ai donc logiquement débuté en sport auto avec une licence belge. Mais une fois arrivé en F1, la FIA a décidé que le drapeau sur la voiture et la nationalité du pilote devait être celle de son passeport et non pas celle de sa licence. Je suis donc devenu sportivement français. Je n'avais pas vraiment le choix. Je me souviens que lors des négociations avec Gérard Larrousse pour rouler dans son écurie il m'avait dit : Si tu es Français tu roules chez nous, mais pas si tu es Belge. Moi je me suis toujours considéré comme un citoyen européen .»
« Le Mans est plus dangereux que la F1 »
C'est donc sous les couleurs bleu blanc rouge qu'il a disputé ses premières 24H du Mans en 1990 chez Mazda où il avait été recruté par le Britannique David Kennedy.
« L'année suivante, je me suis retrouvé au départ avec Johnny et Volker, deux autres jeunes pilotes de F1, » poursuit Bertrand. « L'auto faisait beaucoup de bruit avec son moteur rotatif et empêchait tout le monde de dormir, mais dans l'habitacle, une fois le casque sur la tête et les écouteurs dans les oreilles, c'était tout à fait supportable. »
« Ce proto était très rapide en ligne droite car on roulait avec peu d'appui. Et pour les virages du coup il fallait se débrouiller. J'ai toujours trouvé cette épreuve dangereuse, avec les vitesses atteintes, les arbres et rails très proches et surtout les grandes différences de vitesses. C'était plus risqué selon moi que les GP. Du coup, je gardais toujours une petite marge pour éviter un accident. En 1991, nous étions considérés comme les lièvres. Nous devions attaquer depuis le début et tout le monde pensait que l'on allait casser. Mais cela a tenu et l'on a gagné. »
Bertrand est monté sur le podium avec le seul Volker Weidler après que Johnny Herbert ait été transporté à l'hôpital à l'issue de son dernier double relais.
« Je le charrie encore aujourd'hui en disant que c'est une chochotte, » blague Bertrand. « En fait, il avait trop bu de Gatorade. Il ingurgitait du sucre pour tenir le coup, mais a craqué à l'issue de son double relais que j'étais bien content de ne pas devoir faire car c'était une grosse responsabilité et je n'avais pas envie de risquer de perdre la victoire dans les derniers instants. »
« Ma 6e place en F1 à Monaco avec une Larrousse vaut plus à mes yeux »
Cette victoire est-elle le plus haut point de la carrière de Bertrand ? « Pour les Japonais sans doute ! On a été invités dans la foulée à Fuji. On était des héros, le premier constructeur nippon à remporter Le Mans, une épreuve mythique au Pays du Soleil Levant. Pour moi, cela restera certains GP en F1. D'abord car c'est individuel. Ensuite car c'est le sommet du sport auto. A l'époque, il y avait dix secondes d'écart entre la première et la dernière voiture de la grille. Le matériel a toujours eu beaucoup d'importance en F1. Regardez aujourd'hui avec Verstappen qui a dominé durant quatre ans et se retrouve avec une monoplace moins performante. Eh bien il ne gagne plus tous les week-ends. C'est au tour de Piastri et Norris. Sont-ils meilleurs que lui ? Bien sûr que non. Mon but était de devenir champion du monde et je regrette de ne pas y être arrivé. De ne pas avoir réussi à intégrer un top 10. Mais terminer 6e du GP de Monaco 1992 au volant d'une Larrousse constituait un exploit, sans doute le meilleur moment de ma carrière. »
Dont il ne garde que peu de souvenirs...
« Je ne sais pas où se trouve mon trophée ! »
« Je ne sais pas où se trouve la copie de mon trophée du Mans, » nous avoue-t-il. « Par contre, la seule photo de voiture de course encadrée dans mon bureau est celle de la Mazda de 1991 au Mans. »
Clairement le moment le plus médiatique de sa carrière... après son incarcération dans une prison londonienne deux mois plus tard suite à une altercation avec un taximan londonien. On se souvient que ses amis belges avaient manifesté dans les rues de Bruxelles avec des « T-shirts Gachot Why. »
Cela lui avait fait rater le GP de Belgique aux commandes de la véloce Jordan (la verte Seven Up) et cela avait permis de lancer la carrière d'un certain Michael Schumacher appelé comme remplaçant et directement septième de la qualification.
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