24H du Mans : Victoire de la Ferrari « privée »... de rien, Laurens Vanthoor et Porsche 2èmes

C'est la plus belle histoire à raconter sur ces 24 Heures du Mans suivies sur place par 330.000 spectateurs et lors desquelles il ne sera finalement pas passé grand chose. Pas de grand drame, de crash mémorable, pas de pluie ni de stratégie, aucune voiture de sécurité, bref une course limpide, à la régulière mais très tendue avec les quatre premiers classés en moins de trente secondes sous le drapeau à damier et au final Ferrari et Porsche séparés par à peine quatorze secondes.
Avec une seule 499P dans le Top 10 sur la grille, à la septième place seulement, on pouvait croire qu'on n'allait pas assister à un troisième succès consécutif pour le proto de Maranello.
Dès le premier tour, une Porsche, la N°5 de Julien Andlauer, passait en tête, tandis que la N°6 de Laurens Vanthoor, partie 21e et dernière des Hypercars, remontait jusqu'à la troisième place.
On pensait Porsche partie vers un 20e succès. Mais après 2h30 seulement, la marque au « Cheval Cabré » passait à l'offensive. Et très vite, on a assisté à un véritable challenge Ferrari, les trois LMH de Maranello profitant d'une crevaison lente des champions Estre et Vanthoor pour truster les trois premières places.
Porsche a maintenu la pression jusqu'au bout
Mais comment expliquer dans une compétition régie par une Balance de Performances qu'une voiture domine autant ? Car Ferrari, comme Toyota et Peugeot, a construit son propre châssis et conçu chaque pièce de son bolide. Avec beaucoup de budget et la technologie F1.
Tandis que ses rivales ont dû trouver le meilleur compromis entre vitesse de pointe et appui aérodynamique, les pilotes des machines italiennes avaient une voiture alliant vitesse en ligne droite pour savoir dépasser facilement et tenue de route en virages, un proto plus bas, glissant moins et donc usant moins les pneus.
« Il faudrait un miracle pour espérer pouvoir battre Ferrari cette année, » nous avait confié un pilote d'une autre marque en début de course.
Dès lors, l'intérêt est longtemps venu de la lutte interne entre les deux 499P officielles rouges directement alignées par AF Corse avec six pilotes d'usine et la « jaune » soit-disant privée (mais exactement la même et engagée par la même équipe que les deux autres) alignée avec des investisseurs privés pour un collectionneur ayant acheté l'auto 9 millions d'euros. Avec désormais une vraie plus value !
Au petit matin, quand suite à des pénalités diverses des bolides rouges, la N°83 s'est retrouvée derrière la N°51 d'Antonio Giovinazzi, on a d'abord essayé de demander à l'ancien pilote de F1 polonais de rester derrière pour assurer le doublé. Sa réponse a été cinglante : « Pas question !» a déclaré le pilote finançant son volant grâce au soutien du pétrolier Orlen. On a alors changé son fusil d'épaule et demandé au leader italien de ne pas résister.
Première pour un Polonais et un Chinois
Mais il a continué à se battre et à aligner les chronos jusqu'au moment où, sous pression et l'effet de la fatigue sans doute, Alessandro Pier Guidi est parti à la faute à l'entrée de la pitlane. La N°83 passait alors en tête et n'allait pas lâcher la première place jusqu'à l'arrivée.
Tout cela le jour du GP du Canada, là où Robert Kubica a gagné son seul GP et survécu à un terrible accident. Une belle revanche aussi sur le destin qui l'avait vu perdre la victoire en LMP2 dans le dernier tour ici-même il y a quatre ans avec WRT. Et déjà avec Yifé Yé comme équipier.
C'est la première victoire d'un Polonais au Mans mais aussi d'un Chinois. Un Chinois parlant parfaitement le Français après avoir été à l'école du sport auto de la FFSA basée au Mans. Champion de F4, il habitait dans une villa avec vue sur... le virage du Tertre Rouge !
Phil Hanson est le moins connu des trois héros du jour. Formé à l'école United Autosport en LMP2 il failli faire tout perdre samedi soir en traversant un bac à gravier. Mais heureusement plus de peur que de mal pour la Ferrari jaune permettant à la marque de rester invaincue cette année en WEC.
Mais le miraculé Robert Kubica, mutilé au bras depuis un terrible accident en rallye mettant un terme à sa carrière en F1, aura sué jusqu'au bout. Parti dernier des Hypercars et revenu au deuxième rang, Kevin Estre sur la Porsche N°6 aura maintenu la pression jusqu'au bout. Le Français termine à 14 secondes seulement de la première place et permet à Laurens Vanthoor de monter sur son premier podium absolu au Mans, 29 ans après Thierry Boutsen, 2e en 1996 sur la Porsche 911 GT1.
Pour la troisième marche du podium, les deux Ferrari officielles, la 51 de Giovinazzi-Calado-Pier Guidi et la N°50 des tenants du titre Nielsen-Fuoco-Molina terminent avec une seconde d'écart.
Derrière Ferrari et Porsche luttant jusqu'au finish comme au début des années 70, Toyota, Cadillac et BMW se sont disputés la cinquième place.
Grosse déception pour BMW et WRT
Et ce sont finalement les Américains qui ont eu le dernier mot avec la N°12 des polemen Alex Lynn, Will Stevens et Norman Nato. « Nous étions rapides sur un tour, sans trafic, grâce à notre rapidité dans les secteurs 1 et 3. Mais nous manquions de vitesse de pointe pour lutter pour le podium, » commentait le poleman britannique dernier classé dans le tour des vainqueurs. « La cinquième place était notre objectif réaliste. »
Déception pour Toyota avec la sixième position de la N°7 de Conway-de Vries-Kobayashi après sept podiums consécutifs. La N°8 a perdu beaucoup de temps suite à la perte d'un écrou de roue.
Un moment pointées dans le Top 5, les deux BMW M V8 Hybrid ont été rentrées dans leur box à 2h de l'arrivée avec des soucis de moteur pour la N°20 et de refroidissement à nouveau pour la N°15 de Dries Vanthoor. Coup très dur au moral pour WRT dont les deux prototypes ont symboliquement franchi la ligne d'arrivée aux 18e et 32e places (pour la N°15 de Dries Vanthoor), les dernières des Hypercars. On attend nettement mieux du team belge dans deux semaines à Spa.
Du côté des marques françaises, Alpine intègre finalement le Top 10 et amène ses deux A424 à l'arrivée. C'est déjà beaucoup mieux qu'en 2024. Idem pour Peugeot modeste 12ème à trois tours avec la N°94 au volant de laquelle Stoffel Vandoorne a été pointé en tête en début de course grâce à une meilleure autonomie d'un ou deux tours par rapport à la concurrence.
Pour une première, les deux Valkyrie ont réussi à rejoindre l'arrivée sans gros pépin aux 13ème et 15ème rangs. A quatre tours seulement des vainqueurs. Voici quelques années, cela leur aurait certainement valu un Top 5.
Succès pour Inter Europol en LMP2
En LMP2, on a assisté à un duel acharné durant 24 heures entre les équipes Inter Europol Compétition et VDS Panis. Avec un final hitchcokien. A vingt minutes de l'arrivée, la N°43 écopait d'un passage obligé par les stands pour une vitesse excessive dans la pitlane et songeait avoir perdu la course. La VDS Panis de Gray-Masson-Perera passait en tête puis était subitement, à un quart d'heure de l'arrivée, était contrainte de finir au ralenti et de se contenter de la deuxième place suite à un souci technique. Le trio Tom Dillmann, Nick Yelloly et Jakub Smiechowski repassait donc en tête pour le plus grand bonheur des fans polonais n'en demandant pas tant.
La AO by TF N°199 de Hyett-Cameron-Deletraz complète le podium de la catégorie tout en remportant le classement Pro-Am.
Porsche se venge en GT, Van Rompuy sur le podium
La course en LMGT3 a été très ouverte, sans réelle domination d'une marque.
Grâce à la meilleure homogénéité de son équipage, BMW a plus ou moins mené les dix premières heures de course. Mais un souci électrique ou électronique entraînant des coupures moteur a finalement contraint WRT à retirer la N°46 de Rossi-Van der Linde-Al Harty au milieu de la nuit. Et dans la foulée, c'est la N°31 qui était victime d'un coup du lapin, Augusto Farfus et ses équipiers étant obligés de jeter le gant après avoir endommagé un radiateur en percutant un lièvre.
Dès lors, on a assisté à un autre duel Porsche-Ferrari. Et ici, la marque allemande a pris sa revanche par rapport à la catégorie de pointe avec le succès de la 911 GT3-R Manthey de l'expérimenté Richard Lietz, Ryan Hardwick et Riccardo Pera nettement plus rapide en course qu'en essais en vitesse de pointe...
Au final, la 911 bleue a devancé la Ferrari 296 AF Corse N°21 de Mann-Heriau-Rovera de 33 secondes.
Le Belge Tom Van Rompuy termine superbe troisième sur la Corvette Z06 TF Racing partagée avec Rui Andrade et Charlie Eastwood. Un deuxième podium en trois éditions pour l'Anversois troisième en Pro-Am LMP2 lors de sa première participation à l'édition du centenaire: « C'est un résultat inespéré avec le manque de vitesse de pointe dont nous étions victimes. Je suis très heureux, on a réussi à tout maximaliser. Le team TF a fait un super job. »
Comme prévu, après avoir fait le show lors de son premier relais, Maxime Martin a dû rentrer dans le rang sur la Benz Iron Lynx partagée avec Lin Hodenius et Martin Berry. Ils terminent à une anecdotique 12e place en GT3.
Après un excellent début de course la voyant même pointer un instant en tête de la catégorie à la faveur d'un ravitaillement tardif, Sarah Bovy aurait pu viser un inespéré Top 5. Hélas, la bonne prestation des Iron Dames a été ruinée au petit matin par la Lexus N°87 percutant Rahel Frey, la Porsche rose et blanche devant ensuite être poussée dans son stand pour remplacer la boîte de vitesses histoire de pouvoir finir la course 49ème et dernière classée.