On ne vous en a pas encore parlé car à nos yeux la Formula Académy relève plus du marketing que du sport. Ces courses réservées aux jeunes filles en lever de rideau de certains GP ne sont franchement pas d'un grand niveau. Et être la meilleure femme pilote du moment en monoplace ne signifie pas du tout que vous avez une chance de monter en F1, même si vous êtes issue de la filière Iron Dames et soutenue par Mercedes.

C'était un vieux fantasme de Bernie Ecclestone de revoir une fille en F1. C'est plus que jamais dans l'air du temps aujourd'hui. Mais à un moment, il faut arrêter de rêver.

S'il est légitime d'entendre Doriane déclarer en interview après son titre qu'elle vise la F1, un bon journaliste se doit d'expliquer au grand public que ce n'est pas vraiment réaliste. Et que cela restera un rêve.

Toto Wolff : « Si vous mettez une femme en F1 et qu'elle se qualifie dernière à chaque GP ce serait dommageable pour la cause des femmes en sport auto »

Les raisons sont multiples et certainement pas d'ordre physique. Terminée l'époque où les F1 étaient de véritables camions inconduisibles par des filles.

L'aspect financier n'est pas non plus une excuse quand on a derrière soi un constructeur comme Mercedes et qu'on est une Iron Dames même si apparemment les époux Schiavoni seraient contraints de réduire considérablement leur implication en sport automobile suite à des soucis financiers (enfin tout est relatif...)

Mais s'il était possible aujourd'hui qu'une femme soit au départ d'un GP, pourquoi Toto Wolff n'y aurait-il pas poussé sa propre épouse Susie Stoddart qui a disputé deux séances d'essais libres chez Williams. Le boss de Mercedes nous a répondu personnellement à cette question que nous lui avons posée lors du GP de Belgique en juillet dernier.

« Je suis certainement subjectif sur le sujet (rire), » nous a confié l'Autrichien. « Susie a eu l'occasion de participer à deux séances d'essais libres officielles avec Williams. Elle s'entraînait physiquement comme les mecs et avait à l'époque un tour de cou de 38 cm pour supporter les forces G. Le problème pour avoir une femme en F1 n'est pas du tout physique. C'est une question de talent. Quand Susie a participé au championnat du monde de karting, elle a terminé 15ème sur 160. Mais elle était la seule fille. Aujourd'hui, grâce au travail de la FIA, les efforts pour mettre les demoiselles en avant grâce notamment à la Formula Académy, sur un peloton de 100 pilotes en Mini ou Junior en karting il y a déjà quinze jeunes filles. Le but est de susciter des vocations pour élargir la base. Nous sommes content du travail de Doriane Pin et nous pourrions lui offrir un test avec une ancienne F1. Mais les réelles chances de voir une femme émerger augmenteront le jour où 25% des pelotons en kart seront composés de filles. Car si vous faites monter aujourd'hui une fille en F1 juste pour l'image et le marketing et qu'elle se qualifie 20ème à chaque GP, ce serait dommageable pour la cause des femmes en sport auto. »

Zéro pointé pour Doriane l'an dernier quand elle roulait avec les garçons en FRECA

Pour les trop enthousiastes qui nous traiteraient de misogyne et imaginent la Française de 21 ans sur une grille de F1 dans quelques années, on les invite à aller revoir les résultats de la Formula Renault Régionale en 2024. En quinze départs au milieu des garçons, à poids égal (la « pocket rocket » comme on la surnomme pèse 46 kg ce qui l'a aidée en protos et GT car elle avait dès le départ une demie seconde dans la poche par rapport à ses équipiers, voire plus sur un circuit comme Le Mans), Doriane (tout comme son équipière Marta Garcia d'ailleurs) a marqué zéro point et terminé seulement à trois reprises dans le Top 20 avec une 13ème, une 17ème et une 19ème place. Cela c'est la réalité.

Aujourd'hui, les meilleures femmes pilotes se nomment Jamie Chadwick (trois fois titrée en W Series) et Michelle Gatting (pilote officielle Porsche). La première a remporté cette année une épreuve de LMP2 et est réserviste en Hypercar chez Magma Racing. Là encore c'est juste du marketing car si elle était assez rapide, elle aurait été titularisée.

Quant à Michelle Gatting, elle rivalise avec pas mal de Gold au volant de sa Porsche 911 GT3.

Il y a donc de la place pour les demoiselles en sport auto. Et même les plus âgées comme Vanina Ickx devenue à 50 ans une très bonne pilote Bronze, la catégorisation des « gentlemen et women drivers ».

Mais pas au sommet de la pyramide où sont censés rouler les 22 meilleurs pilotes du monde.

On peut donc imaginer comme il l'a dit lui-même un gros coup de « com » pour Mercedes avec un test F1 pour Doriane. Mais quid au-delà de cela ? Les pistes les plus réalistes seraient de remettre son titre en jeu en Formula Academy ou de retourner en GT avec Benz. Car une promotion en F3 ou en F2 serait un cadeau empoisonné et ne mènerait à rien si ce n'est à casser son image positive.

Sinon il reste la piste américaine où le niveau, jusqu'au sommet de l'Indy Car, est tout de même nettement moins relevé qu'en F1. On a vu régulièrement ces dernières saisons des femmes au départ des 500 Miles d'Indianapolis. Alors pourquoi pas même s'il n'y a pas de moteur Mercedes à ce niveau.

Alors parler d'un petit bout de femme aujourd'hui en F1 c'est gentil et cela fait certainement des clics, mais honnêtement, restons sérieux svp, ce n'est pas du tout réaliste.