F1: Deux arrêts pour empêcher la sieste de Monaco
Si depuis quelques années déjà la tradition des premiers essais libres du jeudi n'est plus respectée et l'on est revenu à un horaire plus classique, Monaco reste sans doute le GP de l'année le plus atypique.
L'espace d'un week-end, la Principauté de 2 km carrés se transforme en circuit automobile pour les bolides les plus rapides du monde et cela déjà depuis 1929, il y a près de cent ans.
Beaucoup d'huiles en bord de piste
Si l'on n'a, hélas, plus besoin de bouchons d'oreille pour assister au spectacle depuis que les stridents V10 ont été remplacés par des V6 Turbo, voir les pilotes de F1 rouler sur un fil, flirter avec les glissières avec très peu de marge d'erreur reste ahurissant pour ceux qui ont la chance de pouvoir assister à l'événement sur place. Entre le Casino, les palaces et les yachts parqués comme des sardines dans le port avec des grosses huiles à la barre et des pin-ups (les jolies et légères russes débarquent par charters pour les deux semaines Cannes-Monaco) en maillots de bain recouvertes d'huile sur les ponts. Mais ici on ne parle pas de Shell ou de Total...
A Monaco durant quatre jours, le show est partout. Sur la piste bien sûr transformée en «dance floor » chaque soir entre la Piscine et la Rascasse où l'on paie 10 euros la bière, mais aussi dans les hôtels où l'on dort la tête dans les étoiles même si près de la moitié du plateau rentre ici le soir à la maison, les pilotes de F1 adorant – comme un petit millier de Belges – ce petit paradis surtout fiscal. Car côté paysage, il faut aimer le béton...
Monaco, ce sont les paillettes, les décos spéciales en tous genres, le bling bling, les stars aussi nombreuses sur la grille que sur la Croisette de Cannes en plein festival (on attend Brad Pitt pour la sortie de son fils événement sur la F1 où il joue le rôle d'un vieux champion sur le retour) et puis bien sûr son Prince. Ou plutôt ses Princes. Avec après le dieu Ayrton Senna, Albert qui n'est pas un roi du pétrole mais aime voir les petites voitures tourner au pied de son Rocher et bien sûr Charles Leclerc, l'ambassadeur au Cheval Cabré enfin prophète dans sa Principauté l'an dernier. Ce sera visiblement un peu plus dur cette année pour le preux chevalier rouge...
Cette fin de semaine, Monaco est la capitale du monde sportif. « Ferrari et Monaco sont les deux plus grands icônes de la F1, » a récemment déclaré notre ex-pilote de Grand Prix Thierry Boutsen qui, contrairement à Stoffel Vandoorne, n'a jamais réellement brillé à domicile.
Ce Grand Prix est celui des superlatifs : le plus mondain, le plus glamour, le plus célèbre. Une victoire à Monaco vaut médiatiquement quasi une médaille d'or aux JO ou un titre mondial. Mais c'est aussi, hélas, le plus lent (même si l'impression de vitesse depuis les tribunes est la plus grande de la saison) et surtout généralement le plus ennuyant.
Encore plus la roulette monégasque
75% de la victoire se joue lors de la qualification où il faut prendre tous les risques pour tenter de partir en première ou au pire deuxième ligne. Puis au départ et au premier freinage à Sainte-Dévote. Car elle est bien loin l'époque où Olivier Panis s'était imposé à Monaco avec sa Ligier après être parti 16e. Car les F1 modernes sont fiables, Monaco n'est plus synonyme d'hécatombe et les monoplaces actuelles surtout sont beaucoup plus larges. Dépasser dimanche à Monaco sera aussi difficile que sur un carrousel de la foire du midi ou dans le tunnel sous la manche. Même avec le fameux DRS qu'il faudrait traduire par DSR en français pour Dépasser Sans Risque. Une triste invention pour booster le show de manière totalement artificielle.
Après l'extinction des feux à 15h, c'est généralement à la queuleuleu durant près de deux heures, une désolante procession jusqu'à l'arrivée. Devant son poste de télévision c'est l'heure ou plutôt les deux heures de sieste. On n'ouvre généralement un oeil qu'en cas de crash, un petit coup d'adrénaline et une voiture de sécurité regroupant les monoplaces et relançant ensuite le petit train train. C'est aussi l'occasion d'effectuer un pitstop gratuit ou non, de perdre ou de gagner une place et la course. Demandez à Daniel Ricciardo ce qu'il en pense. A Monaco ces dernières années, la course se joue souvent dans les stands. Il faut savoir s'arrêter au bon moment. Et surtout changer les quatre roues le plus rapidement possible.
Du coup, pour tenter de pimenter un peu la course, la FIA a eu la bonne idée d'imposer dès cette année deux changements de pneus pour tout le monde. Ce qui va ouvrir pas mal de stratégies, rendra le GP plus tactique, stratégique et aléatoire surtout en cas de neutralisation. Ce sera plus que jamais la roulette monégasque. Les classements vont évoluer tout au long de la course et il faudra rester bien attentif et éveillé pour savoir qui a déjà effectué un, deux ou pas d'arrêt du tout. On pourrait par exemple voir certains partant en fond de grille prendre le risque d'effectuer leurs deux pitstops tout en début de GP dans l'espoir de voir sortir la SC. Ou alors faire leurs deux stops durant la même période de neutralisation même si ici la position sur la piste est toujours prioritaire. Car si vous vous retrouvez derrière un concurrent plus lent vous pouvez facilement perdre jusqu'à deux secondes au tour.
On verra ce que cela donne à l'usage. Si cette nouvelle règle rend la partie d'échecs vraiment plus excitante. Si l'on assiste à des surprises ou si la victoire se jouera toujours entre les McLaren d'Oscar Piastri et Lando Norris. Une seule chose reste certaine : Le vainqueur dimanche vers 17h sera, quoi qu'il arrive, un virtuose et un véritable héros. Car gagner la course contre soi-même durant près de deux heures sur ce tourniquet truffé d'embuches représente déjà un sacré défi.

